"C’est difficile de converser avec quelqu’un
qui vous connait autant
sans qu’il ne se mette à vous abreuver
de ces lourds conseils d’ami.
On a l’impression d’être pour lui
un vieux livre annoté. La vie serait bien
triste s’il n’y avait pas de ces rencontres
spontanées qui arrivent n’importe où
sans crier gare durant un souper
chez des amis. Sur le quai d’une gare.
Au coin de la rue.
Et cela peut débuter par un sourire
comme par un malentendu.
On se croit, un bref moment, adversaires
pour se découvrir, pas longtemps après,
une sensibilité toute proche.
On se met à causer alors d’égal à égal.
Ce genre de rencontre ne commence
jamais par bonjour. On garde l’impression
d’une conversation qui a débuté bien
avant ce moment-là. On trouve un endroit
discret pour se raconter des choses qu’on a
toujours gardées secrètes pour la famille
comme pour les amis.
Puis on se quitte sans se dire au revoir.
Et c’est toujours mieux ainsi."
D. Laferrière